Comment faire un Bilan Carbone pour son entreprise ?

par Quentin LE VIOL

Vous êtes convaincu du bien-fondé de la démarche mais ne savez pas en quoi consiste la réalisation d’un Bilan Carbone.

Cet article vous apporte les éléments de compréhension sur le sujet.

Bilan Carbone ou Bilan GES ?

Vous avez dû entendre les deux termes, à savoir le Bilan Carbone et le Bilan GES (Gaz à Effet de Serre).

Ces deux termes sont corrects mais ne décrivent pas exactement la même chose.

Le Bilan GES

Le Bilan GES (ou BEGES) a pour objectif de définir un périmètre d’étude représentatif de votre activité et de comptabiliser, sur une période donnée (en général 1 an), vos émissions de GES.

La démarche consiste ensuite à définir des axes de réduction de ces émissions, à les appliquer et à refaire périodiquement un Bilan GES pour suivre les évolutions. C’est donc un principe d’amélioration continue comme on en retrouve dans le management de la qualité ou de la sécurité par exemple.

Les émissions comptabilisées ne se limitent pas à la production directe de GES par votre structure (comme par exemple via de la combustion), mais elles englobent toutes les activités qui en produisent directement ou indirectement.

Par exemple le fait d’acheter un matériau sous-entend qu’une dépense énergétique a été réalisée pour l’extraire, le conditionner, le transporter, etc. Toutes ces étapes ont conduit à la production de GES et sont donc à comptabiliser dans votre bilan.

L’Agence de la Transition Ecologique (ADEME) a défini trois catégories (scope) dans lesquelles sont classées les émissions de GES :

  • Émissions directes de GES (ou SCOPE 1) : Émissions directes provenant des installations fixes ou mobiles situées à l’intérieur du périmètre organisationnel, c’est-à-dire émissions provenant des sources détenues ou contrôlées par l’organisme comme par exemple : combustion des sources fixes et mobiles, procédés industriels hors combustion, émissions des ruminants, biogaz des centres d’enfouissements techniques, fuites de fluides frigorigènes, fertilisation azotée, biomasse, etc.
  • Émissions à énergie indirectes (ou SCOPE 2) : Émissions indirectes associées à la production d’électricité, de chaleur ou de vapeur importée pour les activités de l’organisation.
  • Autres émissions indirectes (ou SCOPE 3) : Les autres émissions indirectement produites par les activités de l’organisation qui ne sont pas comptabilisées au 2 mais qui sont liées à la chaîne de valeur complète comme par exemple : l’achat de matières premières, de services ou autres produits, déplacements des salariés, transport amont et aval des marchandises, gestions des déchets générés par les activités de l’organisme, utilisation et fin de vie des produits et services vendus, immobilisation des biens et équipements de productions, etc.

Schématiquement voici cette répartition :

Source : Association pour la transition Bas Carbone (ABC)
Source : Association pour la transition Bas Carbone (ABC)

Lee bilan GES réglementaire impose la comptabilisation des catégories (scope) 1 et 2 à minima (la 3 n’est pas obligatoire mais est recommandé). C’est en cela qu’il diffère de la méthode Bilan Carbone qui lui intègre nécessairement les 3 catégories.

Le Bilan Carbone

Le Bilan Carbone est une méthode publiée par l’ADEME en 2004 qui englobe le bilan GES réglementaire mais va plus loin puisque le périmètre étudié est plus large.

Cette méthode prend en compte les trois catégories (scope) développées ci-dessus et tous les gaz à effet de serre définis par le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat).

Les principaux GES étant :

  • La vapeur d’eau (H2O)
  • Le dioxyde de carbone (CO2)
  • Le méthane (CH4)
  • Le protoxyde d’azote (N2O)
  • L’ozone (O3)
  • Des gaz fluorés (CFC, HCFC, PFC, HFC, SF6, NF3)

La méthode Bilan Carbone reste néanmoins compatible avec les autres principales méthodes diffusées en France :

Source : Agence de la Transition Ecologique (ADEME)
Source : Agence de la Transition Ecologique (ADEME)

En réalisant un bilan carbone vous pouvez donc tout à fait obtenir une extraction des données au format Bilan GES réglementaire, ISO14064-1 ou GHG Protocol, suivant votre besoin.

C’est le bilan GES réglementaire qui est obligatoire pour les entreprises concernées par la loi Grenelle II sur la transition énergétique (Pourquoi faire un Bilan Carbone pour son entreprise ?).

Le Bilan Carbone est donc tout à fait adapté pour répondre à l’obligation légale puisqu’il intègre le bilan GES et vous permet d’aller plus loin dans les bénéfices de la démarche.

Le Carbone comme unité commune

Comme évoqué dans le point précédent, les émissions de GES sont issues d’activités diverses et variées. Vous avez pour votre structure différents postes d’émissions qui peuvent inclure des déplacements, du Fret, de la consommation d’énergie, de la production de déchets, etc.

Dès lors se pose la question de pouvoir comparer, d’un point de vue effet de serre, des données aussi différentes que des kilomètres parcourus, des kWh consommés ou des tonnes de déchets produits.

Afin de pouvoir comparer ces différentes activités, un indicateur commun a donc été choisi : le carbone. Le dioxyde de carbone (CO2) est le gaz à effet de serre le plus répandu dans l’atmosphère, il est notamment produit par la combustion des énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon) :

Répartition des émissions annuelles mondiales de GES anthropiques en 2004 :

Source : Rapport du GIEC 2007
Source : Rapport du GIEC 2007

Lors de la réalisation d’un Bilan Carbone, chaque donnée collectée est convertie en son équivalent d’émission de carbone. Pour faire cette conversion on utilise les facteurs d’émission.

Les facteurs d’émission

Ces facteurs d’émission sont administrés par l’ADEME et régulièrement mis à jour et complétés. Ils sont répertoriés dans la base Carbone accessible à tous gratuitement.

Le fonctionnement est le suivant, pour chaque type d’activité productrice de GES l’ADEME a comptabilisé son équivalent d’émission de carbone. On parle alors de tonnes équivalent carbone, ou tCO2e.

Prenons un exemple : votre consommation électrique. Le mix électrique Français, c’est-à-dire la répartition des différentes énergies productrices d’électricité, est connu. On peut donc prendre ce mix, comptabiliser les émissions de GES produites par la filière électrique, et en déduire une quantité d’équivalent CO2 émise par kWh produit. C’est le facteur d’émission.

A titre d’exemple, la consommation électrique en 2020 en France avait un facteur d’émission de 0,055 kgCO2e par kWh consommé. Donc si votre consommation électrique en 2020 était de 20.000 kWh annuel, cela représentait 1,1 tCO2e (20.000 * 0,055 = 1.100 kgCO2e).

En appliquant ces facteurs d’émissions à toutes vos activités productrices de GES on obtient des valeurs en tCO2e que l’on peut comparer les unes avec les autres.

Mais votre activité peut également générer la production d’autres GES que le CO2. Pour convertir l’effet de serre des autres gaz on utilise une autre donnée : le pouvoir de réchauffement global.

Le Pouvoir de Réchauffement Global (PRG)

Le PRG (ou GWP en Anglais) est la capacité d’un gaz à favoriser l’effet de serre. Tous ne sont pas équivalents sur le sujet, il y a même de très grandes disparités.

Dans votre activité vous pouvez par exemple utiliser un système de climatisation, celui-ci intègre un circuit rempli par un gaz frigorigène. Ce gaz fluoré type HCFC ou HFC pour les installations les plus récentes est un GES.

Comme dans toute installation de ce type, une quantité du gaz est émise dans l’atmosphère lors des opérations de maintenance, à la fin de vie du produit, ou tout simplement à l’usage via les fuites du réseau.

Ces échappements de gaz produisent un effet de serre et sont à comptabiliser, il faut donc pouvoir convertir les kg de HFC en tCO2e pour les inclure au Bilan Carbone. On utilise pour cela le PRG qui donne une valeur multiplicative par rapport au CO2 dont le PRG a été fixé à 1.

Les deux éléments pris en compte pour définir le PRG sont l’influence du gaz sur l’effet de serre (appelé forçage radiatif) et sa durée de résidence dans l’atmosphère. Car si un gaz est très impactant pour l’effet de serre mais ne reste que très peu de temps dans l’atmosphère, sa nocivité peut être moindre que celle d’un autre gaz ayant une durée de vie plus longue.

Ci-dessous le forçage radiatif des principaux GES :

Forçage radiatif des principaux GES en fonction du tempsSource : D. Hauglustaine – LSCE
Forçage radiatif des principaux GES en fonction du temps
Source : D. Hauglustaine – LSCE

On constate par exemple que le méthane (CH4, courbe jaune), a un temps de résidence dans l’atmosphère plus court que le CO2, mais que son forçage radiatif est au préalable beaucoup plus élevé. Pour comparer les PRG des gaz on prend généralement une durée de 100 ans, que l’on appelle PRG100.

PRG des principaux GES (extrait)Source : Agence de la Transition Ecologique (ADEME)
PRG des principaux GES (extrait)
Source : Agence de la Transition Ecologique (ADEME)

La colonne de droite est à considérer, il s’agit de la valeur la plus récente publiée en 2013 par le GIEC (l’autre est de 2007).

Si votre climatisation utilisait par exemple du R134a (interdit depuis 2022), son PRG est de 1300. Autrement dit si 1 kg de ce gaz s’échappe cela équivaut, d’un point de vue effet de serre, à l’émission de 1,3 tonnes d’équivalent CO2.

Le Bilan Carbone comptabilise donc les six catégories de GES cités dans le paragraphe 1.b et les convertit via leur PRG en équivalent CO2. En complément des facteurs d’émissions, cela permet de retranscrire toute l’activité de votre structure sous une même unité de mesure.

La Méthode Bilan Carbone

Comme évoqué ci-dessus c’est une méthode élaborée par l’ADEME, elle a pour but de comptabiliser vos émissions de GES, de les catégoriser et de proposer des axes d’amélioration.

Les principales étapes de la méthode sont les suivants :

  • Sensibilisation aux enjeux énergie et climat
  • Établissement du périmètre d’étude
  • Collecte des données
  • Exploitation des données collectées
  • Définition d’un (ou plusieurs) plan d’action
  • Mise en pratique des mesures décidées et mise à jour du bilan

Sensibilisation aux enjeux énergie et climat

La réalisation d’un bilan carbone, auprès d’une structure quelle qu’elle soit, nécessite une implication forte de la part des employés et de la direction. En effet les différentes étapes vont nécessiter la collaboration d’un certain nombre de personnes travaillant au sein de la structure.

L’étape de collecte des données notamment, requiert que les personnes détenant ces données soient disposées à les communiquer et à les mettre à jour. C’est pour cette raison qu’une première étape de sensibilisation est prévue.

Le principe est que chacun(e) puisse comprendre les raisons qui poussent la société ou la collectivité à faire réaliser un bilan carbone. Chaque personne concernée par le projet pourra ainsi prendre la mesure des enjeux, afin d’obtenir leur implication dans cette démarche.

Cette étape se fait sur une période courte, par la personne chargée du bilan carbone, en début de projet.

Établissement du périmètre d’étude

Le périmètre d’étude a été évoqué dans le chapitre précédent, c’est l’ensemble des activités à considérer dans l’étude Bilan Carbone. Il est défini en collaboration avec vous, et doit permettre d’englober toutes les activités sur lesquelles vous exercez une influence.

Le but n’est pas de minimiser ce périmètre afin d’obtenir un « bon » Bilan Carbone. Il faut considérer tout ce qui peut être influencé par vos choix, afin de vous donner une marge d’action la plus large possible.

Si votre société dispose de plusieurs sites, ou de plusieurs activités différentes, le périmètre peut être ciblé uniquement sur une partie ou sur la totalité.

Afin de se représenter visuellement le périmètre d’étude, on réalise un diagramme des flux qui reprend tous les échanges, les trajets, les consommations, etc.

La collecte des données

C’est l’étape la plus longue de cette méthode son but est de réunir, pour tous les flux identifiés à l’étape précédente, les données d’activité.

Par exemple pour les déplacements domicile-travail, il peut s’agir d’une enquête faite après des employés (distance parcourue par jour, type de véhicule), de factures de carburant pour un véhicule de fonction ou encore d’abonnements de transport en commun.

Il faut identifier au sein de votre structure la personne qui détient pour chaque flux l’information, et la collecter. Si des informations essentielles ne sont pas disponibles, des échanges avec des fournisseurs d’énergie, des transporteurs, des sociétés de maintenance, etc. seront nécessaires.

La personne en charge du bilan carbone réunit toutes ces données, elles serviront de base pour pouvoir proposer des axes d’amélioration.

Exploitation des données collectées

Une fois tous les flux associés à une donnée représentative, le chargé du bilan carbone les convertit en leur équivalent CO2. Cela se fait au moyen des facteurs d’émission et du PRG évoqués précédemment.

A l’issue de cette étape, on obtient un tableau et des graphiques montrant par type d’activité (fret, déchets, énergie, etc.), les émissions de GES en tCO2e. Vous pourrez ainsi vous rendre compte, lors de la présentation des résultats, de vos activités ayant un impact important sur l’effet de serre, et de celles qui sont plus anecdotiques de ce point de vue.

Vous obtenez ainsi via la méthode Bilan Carbone une vue objective des faiblesses potentielles de votre activité (dépendance aux énergies fossiles notamment) mais aussi des axes d’amélioration possibles.

Définition du plan d’action

Le constat de la situation actuelle ayant été fait, le chargé du bilan carbone vous présentera une liste d’actions pouvant avoir un impact positif sur votre bilan GES. Ces actions peuvent concerner tous types d’activités, pas uniquement celles qui ont un impact fort sur l’effet de serre.

Parmi ces pistes d’action certaines seront rapides à mettre en place, d’autres se déclineront sur du plus long terme. L’objectif étant de vous fournir un maximum d’éléments pour que vous puissiez enclencher une démarche d’amélioration.

Ces différentes actions ont pour objet de vous fournir tous les avantages que peut procurer la méthode Bilan Carbone (Pourquoi faire un Bilan Carbone pour son entreprise ?), des économies d’énergie en passant par le développement de votre image de marque ou l’obtention d’un label.

Mise en pratique des mesures décidées et mise à jour du bilan

Parmi les pistes d’action, vous avez choisi d’en appliquer tout ou partie. Parce qu’il n’y a pas de progrès sans mesure, il convient de mettre à jour votre bilan carbone périodiquement.

L’objectif de cette démarche itérative étant de valider ou non les actions mises en place. C’est également l’occasion de réévaluer ces actions, d’en proposer de nouvelles, d’en écarter certaines, etc.

Légalement pour les structures concernées, le renouvellement est sur 3 ans. Suivant les mesures mises en place et leur temporalité, ce délai sera revu au cas par cas.

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